L'art de la chasse [PV Imala]

L'été commençait à tirer à sa fin. Azara n'aimait pas ce moment, probablement parce qu'elle redoutait encore l'hiver et les souvenirs de la mort. La bêta essayait quand même de rester positive. Les siens étaient dans une bonne position, cette fois-ci. Aucune guerre n'était visible à l'horizon, même si Varzar et Keva représentaient toujours pour elle une menace cachée dans l'ombre. Elle continuait de veiller sur sa meute, tout en chassant de plus en plus pour faire des stocks de nourriture. Les Boréales devaient quand même prendre des forces pour survivre aux grands froids de la prochaine saison. Elle s'accrochait à ces tâches pour ne pas se mettre à s'inquiéter trop. Elle attendait toujours la venue d'Imala, qui était de retour au Nord depuis quelques temps. Elle voudrait sûrement bientôt reprendre la chasse avec elle, comme elle lui avait demandé. Azara se tenait prête à la recevoir et elle savait déjà ce qu'elle lui enseignerait cette fois-ci.

La journée était belle, particulièrement douce et sans vent. Le soleil était déjà haut dans le ciel et filtrait entre les branches des arbres de la forêt. Azara y resterait aujourd'hui pour chasser de petites proies, qui sortiraient de leurs cachettes par ce beau temps. Certains loups aimaient l'adrénaline de la chasse aux grosses bêtes, mais elle aimait bien la russe nécessaire pour mettre les pattes sur un petit lapin ou un rongeur. Elle pouvait en tuer plusieurs par jour, aussi, ce qui était tout aussi bien qu'une grosse proie. Quittant sa tanière, Azara s'éloigna un peu de l'attroupement de la meute, marchant à la lisière de la forêt. Son museau captait déjà les effluves des autres animaux à proximité. La chasse serait bonne aujourd'hui.

La louve blanche entendit un lourd craquement derrière elle et se retourna, certaine d'y voir un loup.

L'instinct d'Azara avait vu juste. C'était Imala qui venait d'écraser une branche de sa patte en la rejoignant. Je commence à devenir assez douée pour le pistage, qu’est-ce que tu en penses ? Mais la discrétion, c’est pas vraiment ça, hein ? Azara eut envie de rire. En effet, c'était raté pour cette fois-ci. La petite louve avait l'air un peu mal à l'aise, mais la bêta avança vers elle et lui lécha le museau pour la saluer et lui faire comprendre que ça n'avait pas d'importance. Elle était contente de la voir et savait qu'elle venait pour la chasse.

—Tu es une bonne élève, ça ne m'inquiète pas. Nous travaillerons justement ça aujourd'hui.

Azara avait parlé d'une voix un peu rieuse. Elle se concentra à nouveau sur les odeurs qui les entouraient. L'arrivée d'Imala avait sûrement fait fuir les bêtes à proximité, mais elles en trouveraient d'autres. Sans compter qu'Azara voulait lui expliquer quelques petits trucs avant de se mettre véritablement à l'action.

—Il y a différentes façons de chasser, tout comme il y a différentes proies. Pour les plus grosses bêtes, il faut les pourchasser pendant des heures. Nous en sommes capables. Il faut les épuiser en les traquant sans relâche, puis les prendre lorsqu'elles sont vulnérables et fatiguées, parfois faibles à cause de leurs blessures. Ce n'est pas nécessaire d'être discret, dans ces traques. Les proies savent que nous sommes là. Il faut plutôt être persistant et patient. Ce n'est pas la même chose pour les petites bêtes et c'est ce que je veux t'apprendre aujourd'hui. Prête?

Elle commença à avancer lentement entre les arbres, avec Imala dans son sillage. Elle lui indiqua la marche à suivre tout en bougeant.

—Apprends à aiguiser ton flaire pour trouver une piste. Il faut aussi que tu restes le plus calme et silencieuse possible, parce qu'un faux pas peut facilement faire éloigner une proie.

Azara observait les alentours, silencieuse. Elle sentait la vie qui grouillait dans la forêt et qui ne tarderait pas à montrer le bout de son nez si elles étaient prudentes dans leur route. Une odeur devint alors plus forte que les autres. Il y avait une petite bête tout près. Elle voulait qu'Imala l'identifie. Elle lui demande d'une voix basse, douce :

—Sens-tu quelque chose?

Azara aimait la chasse, cela paraissait à son visage. Ce n'était pas une corvée d'apprendre à son amie les rudiments de son ancien métier, sans compter qu'Imala était visiblement prête et ouverte à apprendre. C'était un moment qui l'apaisait. Elle se sentait en unisson avec la nature, comme si elle respirait au même rythme qu'elle, et les mouvements de la chasse se substituaient à son corps de façon naturelle. Mais maintenant, la Bêta devait apprendre à les décortiquer pour les expliquer à son amie. Cette dernière avait pisté une bête, elle aussi, mais elle n'arrivait pas à identifier la proie en question.

—Ce n'est pas grave. C'est la pratique qui permet d'identifier rapidement les proies qu'à leur odeur. Comme pour les plantes. Mais il y a d'autres signes qui nous permettent d'identifier notre proie et c'est essentiel de le faire. Il faut connaître ce que l'on chasse pour faire les bons gestes. Si ton flair n'est pas encore bien éduqué, écoute. Ressens.

Azara resta silencieuse un long moment. Le vent soufflait sur les arbres, faisant craquer les branches. Il fallait faire le vide, oublier l'environnement autour, pour entendre la vie de la forêt. Cela prit quelques secondes à Azara, mais bientôt, elle entendit un battement de cœur très rapide, de même que le bruit de la neige qui s'enfonçait à coup de deux. Un, deux, un, deux, un, deux. C'était très léger. Il s'agissait donc d'un animal qui bondissait et qui était assez petit. Un lièvre arctique qui se cachait bien dans le décor avec sa fourrure blanche comme neige. Azara en avait déjà reconnu l'odeur, mais Imala pouvait réussir à identifier au minimum ce genre de proie. Ses déplacements avaient un son distinctif.

—Concentre-toi sur les déplacements de la proie, sur sa façon de communiquer avec les siens, sur ses émotions, aussi. L'anxiété d'une proie pourrait t'indiquer qu'elle t'a remarqué. Celle-ci est très calme. Nous allons la chasser. Mais peux-tu deviner de quoi il s'agit d'abord?

Avec un lapin, elles devraient être rusées. Ces bêtes pouvaient d'étaler à toute vitesse: elles devaient l'attraper rapidement, la prendre au bond. Heureusement, elles étaient deux. L'une pourrait faire diversion, l'autre pourrait attaquer.