De grands risques pour une petite alliance (PV Adazel)

La louve blanche avait le souffle court et les yeux hagards. Jamais de toute sa vie elle n'avait été aussi angoissée. Sur ses gardes, elle avait passé les derniers jours à contourner les terres du centre, en prenant bien soin de ne pas poser les pattes sur la frontière de la meute Originelle. Ce n'était pas cette meute qui l'intéressait, dernièrement. Au contraire, elle n'arrivait plutôt plus à se sortir de la tête les paroles de Varzar: Keva disait-elle la vérité? Azara pouvait-elle vraiment lui faire confiance? Allait-elle lui permettre de chasser au centre, comme promis, si elle arrivait à s'emparer des terres de Varzar? Le doute commençait à rendre la petite louve complètement folle. Alors, elle s'était lancée dans un grand voyage, pour continuer ce qu'elle avait commencé il y a quelques semaines: observer ses rivaux. Elle était partie seule, parce qu'elle sentait que cette alliance était uniquement de sa faute. C'était à elle de vérifier si elle pouvait faire confiance à la meute Australe. De sa petite taille, elle se ferait aussi moins remarquer si elle restait solitaire.

Azara ne savait pas trop ce qu'elle cherchait, exactement. Peut-être simplement à s'approcher suffisamment des terres du Sud pour voir ce que Keva y tramait. Peut-être arriverait-elle à croiser un des siens et à confirmer les plans de l'alpha. Chose certaine, elle avait bien conscience de la dangerosité de son voyage, surtout s'il venait aux oreilles de la louve rousse. Azara devait se faire discrète, ce qu'elle avait réussi à faire en quittant les terres du Nord, s'aventurant vers le centre. Toutefois, maintenant qu'elle s'approchait des terres sèches de Keva, la chaleur la faisait étouffer et elle haletait bruyamment, bien malgré elle.

Avec soulagement, la louve des neiges entendit le clapotis d'un point d'eau. Elle allait enfin pouvoir se désaltérer, elle qui n'avait pas osé s'enfoncer sur les terres de la meute Originelle pour trouver de quoi boire. L'absence de traces olfactives autour de ce qui s'avéra être une rivière lui confirmait qu'il s'agissait d'un territoire neutre. En revanche, elle avait perdu la trace de l'odeur des Originelle depuis un bon bout de temps: elle devait être près des terres de la meute Australe à présent. Azara regarda autour d'elle. Tout était silencieux sur la berge. Elle commença donc à boire longuement, ses muscles se détendant pour la première fois depuis le début de son trajet.

Il y a quelques jours, Adazel faisait le compte des plantes et elle se rendit bien compte, une fois encore que les stocks s'épuisaient a vue d’œil. Elle avait déjà constater ce fait, mais le voir encore une fois l’inquiétait très fortement. C'était le matin et les rayons clairs du soleil éclairais le peu de camphre restant et les quelques boules de sureau noir. Le stock de souci était en train de bruler et la menthe était complètement transformée en cendre à cause de la chaleur.

Ça l’embêtait beaucoup parce qu'un louveteau avait quelques problèmes de digestions, auquel la menthes aurait bien été utile. Elle réfléchis quelque temps pour évaluer les risques d'un petit voyage en terre neutre. Elle avait le plus de chance de trouver de la menthe près de la rivière. Si elle y allait vite, elle ne courait pas trop de risque. Et puis, personne n'est sensé attaquer des guérisseurs en terre neutre n'est-ce pas? Au pire, elle fuira.

C'est donc décidé, Adazel va chercher de la menthe près de la rivière en terre neutre. Seule, bien sure, elle ne va pas déranger d'autres loups pour l'accompagner. Elle voudrait faire le voyage rapidement pour minimiser l'attente du petit. Elle se dépêcha donc de rejoindre la rivière. Elle devait vraiment aimer ce qu'elle faisait pour faire autant de marche pour une plantes.

En arrivant, elle entendit le clapotis familier du point d'eau en question. Elle inspira à fond l'air frais autour d'elle, apportant les effluves des plantes poussant ici. Elle pris le temps de s'asseoir et de se reposer un petit peu. Elle ferma les yeux et écouta attentivement. Le gargouillement de la rivière, le gazouillement des oiseaux, le frémissement des feuilles, à quelques pas, les grésillements des insectes, le glouglou d'un loup se rafraichissant dans la rivière. Attend quoi?

La petite louve noire tourna la tête à droite à gauche mais ne vit personne. Elle avait surement dû rêver. Elle se mit en route pour chercher la plante tant désirée. Ça ne doit pas être très loin. Elle se servait de son odorat pour en trouver. Elle fit quelque pas et senti un odeur inconnue. C'est un loup, qui parait fatigué. Elle avait donc raison, un loup était bien en train de se désaltérer à la rivière. Elle ouvrit les yeux et vit une louve blanche, buvant goulument. Surprise Adazel, écarquilla les yeux, une louve de la meute boréale, normale qu'elle soit fatiguée après ce long voyage. Tranquillement, Adazel s’assit et attendit que la nouvelle venue ait finis et la remarque. Et puis, la louve noire n'avait pas du tout envie d'être la première à parler.

Azara buvait bruyamment, si bien qu'elle n'entendit pas les bruits de pattes qui s'approchaient d'elle. Son cœur serra lorsqu'elle leva la tête et aperçut une louve assise devant elle, silencieuse. Elle ne voyait pas son propre visage, mais probablement qu'elle donnait l'impression d'avoir vu un fantôme. L'inconnue n'était pas très grande, peut-être ne s'agissait-il pas encore d'une louve adulte. Son pelage contrastait avec celui d'Azara: il était d'un noir d'encre, profond. La bêta avala son eau de travers et se mit aussitôt à réfléchir. Cette louve n'avait pas l'air agressive, simplement curieuse. Azara était toujours en sécurité. Elle huma l'air. Cette louve portait sur elle l'odeur de Keva. De la meute Australe. Elle pris une grande respiration et se lécha le museau pour se calmer. Avait-elle franchi les terres du Sud sans le savoir? Réfléchis. Elle abaissa ses oreilles contre son crâne et, bien que l'autre louve se tenait encore sur l'autre rive, Azara baissa la tête, soumise. Elle parla d'une voix forte, pour couvrir le son de l'eau qui coulait.

—Toutes mes excuses si je viens de franchir votre territoire. Mes balades m'amènent parfois plus loin que je ne l'imagine et, étant une louve sauvage, je ne maîtrise pas toujours les frontières des différentes meutes.

Voilà ce qu'elle ferait. Le Nord était si loin, comment cette louve pourrait-elle savoir qu'elle appartenait à la meute Boréale? Elle pouvait être une louve sauvage, venue du Nord. C'était moins dangereux pour elle de conserver ce mensonge. Une louve aventureuse, tout simplement. Pas une espionne. Si cette louve rapportait à Keva la présence d'une intruse sur leurs terres, l'alpha ne ferait peut-être pas le lien. Azara but encore un peu, pour faire croire à l'autre qu'elle était de bonne intention. Elle s'assit ensuite en toisant la nouvelle venue. Quoi faire, maintenant? Entamer la discussion ou repartir? Était-ce intelligent de profiter de cette louve pour en apprendre plus sur Keva? Les questions se bousculaient dans la tête de la louve blanche. Elle ne dit qu'une chose :

—Je m'appelle Cibelle.

C'était le nom de sa défunte mère, le premier qui lui passa par la tête.

Adazel se sentit un peu coupable d'avoir fait peur à l'inconnue, son visage exprimait clairement une énorme surprise mêlée d'inquiétude. La petite louve fut aussi très étonnée de voir l'autre se soumettre et s’excuser dès le début. Adazel était loin d'être impressionnante, l'inconnue devait vouloir éviter les problèmes. Peut-être même, qu'elle voudrait bien discuter. Adazel brulait d'envie de lui poser une centaine de question sur la vie à l’extérieur de sa propre meute.

L'autre louve fini de se désaltérer puis se présenta, sans rien ajouter de plus.

<< Je suis Adazel, répondit la petite,enchantée de te connaitre.

Puisque Cibelle disait qu'elle était une louve sauvage, Adazel pensa qu'elle ne courait pas de grands risques si elle posait une ou deux questions. Elle n’hésita plus et avec un grand sourire et une voix douce elle ajouta:

<< Tu est une louve sauvage alors? Tu as du beaucoup voyager. Ne t'en fait pas, tu es sur un territoire neutre à la rivière, mais si tu avance trop tu risques de te retrouver sur le territoire de la meute Australe, ma meute. Tu pourrais me raconter ce que tu as vu, lors de tes voyages? Oh mais je ne veux pas de déranger, bien-sur, peut-être que tu voudrais partir. Ah! Et tu n'as rien à craindre avec moi, je suis une guérisseuse, enfin novice, mais je ne me débrouille pas mal quand même. Donc si tu est blessée, je peut t'aider si tu le souhaite. Tu as déjà vu des loups de la meute Originelle? Il parait qu'ils sont effrayants. Tu ne devrait pas t'aventurer sur leur territoire, mais tu fais ce que tu veux hein! Oh mais je parle trop, tu ne peux pas répondre à mes questions, désolée. C'est juste que je ne suis jamais aller plus loin que cette rivière, alors... >>

La petite louve noire se tut d'un seul coup, se demandant si elle n'en avait pas trop dit. Elle avait sortit ça d'un seul coup, presque sans respirer. Elle réfléchis quelques secondes, était-ce une bonne idée de dire qu'elle était une novice guérisseuse, elle voulais simplement aider. Cela avait-il donner l'impression que l'ont pouvait s'en prendre à elle? Elle fini par conclure que, au pire, elle fuirait vers le territoire de sa meute et que l'on pourrais surement l'aider la-bas. Ou que, au pire du pire, elle mourrait et puis voilà... Mais elle ne voulais pas mourir! Elle avait un louveteaux à sauver!

Adazel. C'était le nom de la petite louve noire, que ses explications n'avaient pas eu l'air de déranger. Elle lui expliqua qu'elle se trouvait à la rivière, en territoire neutre, mais que si elle poursuivait son chemin, elle se retrouverait sur les terres de la meute Australe. Azara se détendit. Elle avait bien vu, alors. Elle était toujours en sécurité et même si Keva apprenait sa visite près des siens, elle ne pourrait la blâmer. Elle était toujours en territoire neutre. La louve sombre continuait de placoter. Elle avait presque l'air heureuse de sa présence. Tu pourrais me raconter ce que tu as vu, lors de tes voyages? Ainsi, la jeune louve semblait curieuse. Elle lui expliqua qu'elle était guérisseuse et la mis en garde contre la meute Originelle. La louve blanche esquissa un sourire lorsqu'Adazel cessa enfin de parler, un peu essoufflée. Elle était tombée sur la bonne louve. Elle répondrait assurément à ses questions.

Azara se jeta donc à l'eau. Déjà plus reposée, elle arriva sans problème à nager jusqu'à l'autre rive et à rejoindre la novice pour qu'elles puissent parler de façon plus reposée. Après avoir secoué son pelage de neige, Azara répondit, avec douceur:

—En effet, j'ai vu bien des choses. Je viens du Nord, d'assez loin d'ici, alors j'ai croisé bien des meutes. J'ai plein d'histoires pour toi. Mais avant, tu as mentionné que tu venais de la meute Australe. J'ai connu une louve, autrefois. Une vieille amie. Keva. La connais-tu?

Bien sûr, qu'elle la connaissait. C'était son alpha. Mais mieux valait faire croire qu'Azara n'avait pas croisé la dominante depuis des lunes. Ce n'était pas vraiment son amie non plus. Mais ce petit mensonge lui permettrait de comprendre un peu mieux ce que la louve rousse cachait dans son dos.

Adazel se sentit un peu coupable d'avoir autant parler, surtout en voyant le fin sourire de la nouvelle louve à la fin de son monologue. En regardant attentivement, Adazel sentit que ce sourire n'était peut-être pas celui qu'elle pensais. Il avait l'air d'être un sourire de soulagement, ou plutôt de victoire, comme si  la louve blanche avait trouvé ce qu'elle voulais.

Adazel était habituée à observer les émotions des autres car elle restait souvent à l'écart et ne parlais pas souvent. Elle n'ouvrait la bouche que pour répondre à des questions ou pour s'adresser à des malades, et son frère et son mentor bien-sur. Mais elle avait donc eu tout le temps d'apprendre à analyser les expressions faciales des autres loups.

Un PLOUF accompagna l'entrée de la louve blanche dans la rivière. Le cœur de Adazel rata un battement. Cibelle se plaça à côté de Adazel qui dressa l'échine et recula. Puis la nouvelle venue lui posa une question qui lui fit dresser un sourcil :

<< En effet, j'ai vu bien des choses. Je viens du Nord, d'assez loin d'ici, alors j'ai croisé bien des meutes. J'ai plein d'histoires pour toi. Mais avant, tu as mentionné que tu venais de la meute Australe. J'ai connu une louve, autrefois. Une vieille amie. Keva. La connais-tu? >>

Adazel fit toucher ses neurones, la louve qui se tenait en face d'elle venait du nord, et connaissait son Alpha? Adazel savait que son Alpha était partie dans le nord pour proposer une alliance avec la meute Boréale. Peut-être avait-elle croiser Cibelle? Non, elle disais que c'était une vielle amie alors ça ne pouvais pas être ça. En tout cas, Keva n'avait pas croiser la louve pendant son voyage, c'était possible mais surtout, comment pouvait-elle connaitre son Alpha si elle venait de loin? Adazel se posa pas mal de question qui freina son envie de parler.

Elle sentit alors du regret de s'être montrer si ouverte en ces temps tendus. La petite louve décida de faire très attention à ces prochaines paroles dans cette conversation avec cette inconnue dont l'origine n'était pas sure.
Adazel resta debout, sur ses gardes, le dos rond, prête à se défendre, ou à s’enfuir.

Visiblement, Azara avait toutefois sous-estimé la jeune louve. La situation venait de prendre une tournure bien différente que ce à quoi elle s'attendait. En la voyant arriver si près d'elle, Adazel dressa son poil et devint craintive. Idiote, tu es allée beaucoup trop vite. Décidément, Azara avait du mal à prendre les bonnes décisions dernièrement. Mais c'est à sa demande de lui parler de Keva que la louve blanche sentit qu'elle était allée trop loin. Le regard de la louve noire devint brumeux. Elle réfléchissait, bien évidemment. Elle ne lui faisait plus confiance. Azara avait mentionné quelque chose de trop. Était-ce le Nord? Keva avait sûrement parler aux siens de la prétendue alliance avec la meute Boréale. Peu importe ce qu'elle avait dit, Adazel était tout de même sur ses gardes, le dos rond, menaçante. Azara devait agir, elle ne voulait pas la confrontation. Les yeux ronds, surprise, elle baissa la tête, la queue entre ses pattes, les oreilles abattues contre son crâne. Elle bégaya:

—Je... je suis désolée.

Elle détailla la louve, à la recherche des bons mots cette fois. Azara commençait déjà à perdre espoir de découvrir ce que tramait Keva derrière son dos. Peut-être devrait-elle s'enfuir tout simplement et éviter de faire un trop grand remous? Éviter que sa visite ne parvienne aux oreilles de l'Alpha. Mais c'était plus fort qu'elle: elle voulait savoir quelque chose. Un détail. Ne pas rentrer les pattes vides. Aider les siens, cette fois.

—Je crois que j'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas. Toutes mes excuses. J'oublie parfois comme interagir avec d'autres loups... je suis si souvent seule.

La solitaire, la voyageuse, la vagabonde. Cibelle. Elle devait garder sa couverture.

—Ne me dis rien, si c'est ce que tu souhaites. Je peux partir, si tu le désires. Je ne veux pas nuire à personne.

C'était vrai. Surtout pas aux loups du Nord, alors elle devait réussir à en apprendre sur les loups de la meute Australe. Toujours soumise, Azara attendit la suite.

La position soumise que Cibelle adopta rassura un petit peu Adazel. Peut-être que la louve blanche ne disait pas la vérité, ou pas entièrement, mais elle n'avait vraiment pas l'air de vouloir se battre. Cela fut confirmé par les excuses de la nouvelle venue :

<< Je... je suis désolée. Je crois que j'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas. Toutes mes excuses. J'oublie parfois comme interagir avec d'autres loups... je suis si souvent seule. Ne me dis rien, si c'est ce que tu souhaites. Je peux partir, si tu le désires. Je ne veux pas nuire à personne. >>

Adazel décida de prendre les choses en pattes. Ou d'essayer du moins. Premièrement, il fallait ABSOLUMENT établir un périmètre de sécurité! Il fallait aussi réfléchir à la bonne formulation, n'importe quel loup solitaire savait mieux se battre que Adazel et la mettrai à terre en quelques mouvements. De plus, si Cibelle était souvent seule, il ne serai sans doute pas difficile de la mettre en colère. Adazel savait bien les effets de la solitude sur les loups. Cela les rend souvent instable.
Adazel pensa donc que la douceur était plus adaptée, cela tombait bien car c'était ce qu'elle savait faire de mieux en terme de discours. Elle lança donc en s'abaissant et en penchant la tête sur le coté pour ne pas paraitre menaçante :

<< Peux-tu reculer s'il-te-plait ? Tu m'a fait vraiment peur en venant si près. Je sais que c'est dur de rester seule pendant longtemps. >>

C'était un peu vrai car Adazel restait souvent seule dans la tanière de guérisseur car son mentor était souvent absent en cet saison. Elle était très excitée quand il rentrai enfin et elle devenait un vrai petit lapin à s'agiter partout.

Adazel regarda la louve blanche fermement mais sans être vraiment en colère. Elle voulais surtout voir la réaction de la solitaire.

La louve noire devint plus douce, mais toujours craintive: elle demanda à Azara de reculer, de prendre ses distances. D'abord, la louve blanche fut perplexe. Elle avait vécu toute sa vie en meute, parmi les siens. La proximité des autres loups lui était naturelle. Puis, elle se rappela qu'elle devait réfléchir comme une louve solitaire, sauvage. Cibelle n'aurait jamais approché aussi vite cette louve. Tout se déroula dans sa tête qu'en quelques secondes. Calmement, elle recula de plusieurs pas et alla s'installa près d'un arbre, à plusieurs mètres de là. Elle lança calmement à l'autre louve:

—Je te laisse vaquer à tes occupations. En attendant, je vais me reposer un peu.

Azara s'étendit et posa sa tête fine sur ses pattes avant. Elle optait maintenant sur le temps pour apprivoiser la jeune louve. Si elle pouvait juste en savoir un peu plus sur les comportements de Keva dans les dernières semaines, elle serait comblée. La fatigue l'a pris quand même. Son long voyage l'avait épuisé, tout comme son angoisse. Elle en oublia presque l'autre louve, fermant les yeux quelques instants, laissant la balle dans le camp de l'autre.

Adazel fut soulagée que Cibelle lui obéit. Elle resta néanmoins debout. Elle fut encore surprise que cette louve solitaire ose se reposer près d'elle. Devait-elle le prendre comme un compliment ou devait-elle comprendre que son petit corps noir et son attitude n'étaient pas menaçants du tout ? Elle vit quand même le bon côté de la chose, Cibelle n'allait pas l'attaquer. A moins que c'était une sorte de piège, mais elle n'y croyait pas trop.

Adazel attendit que l'autre louve fermi les yeux pour s'avancer doucement et enfin détailler cette nouvelle connaissance. C'était donc une louve toute blanche, petite, avec un poil épais puisqu'elle venait du nord. La petite louve noire observa ses longues pattes qui pourraient surement lui permettre de courir à une vitesse folle. Adazel se concentra pour voir si celle-ci était blessée. Il n'y avait pas d'odeur de sang, elle n'était donc pas ouverte et la petite guérisseuse ne pouvait voir aucune trace de blessure quelle quelle soit. Elle décida donc de retourner à sa mission principale : trouver de la menthe pour le louveteau.

Adazel retourna donc à sa recherche. Elle huma l'air regarda à droite, à gauche, sur l'autre rive. Elle jetait de temps en temps des petits coups d’œil à la solitaire juste au cas où. Elle décida aussi de rester proche car elle ne voulais pas qu'un autre loup tombe sur l'imprudente endormie.

Enfin, Adazel finit par sentir l'odeur recherchée. Elle fit quelques pas et aperçu au loin cette herbe verte si utile. Après un dernier regard vers la louve blanche, Adazel s'élança vers l'endroit où poussait la plante. Elle pensa qu'il fallait se dépêcher car qui sait ce qu'il peut arriver en quelques secondes. En fait, beaucoup de choses peuvent arriver en quelques secondes. Une fois arrivée elle s’appliqua pour prendre les feuilles dont elle avait besoin sans les abimer car elle savait qu'un travail bâclé n'était au final qu'une perte de temps.

Elle finit par revenir vite-fait vers la louve blanche, quelques feuilles en bouche.

Bien qu'elle voulait d'abord garder un œil sur la jeune louve, la fatigue gagna le combat et Azara sombra lentement dans un sommeil d'abord noir. Il lui semblait toujours entendre le bruit de l'eau qui coulait, comme si elle était dans un état d'entre deux entre la réalité et les rêves. Elle ne sut pas trop combien de temps elle resta ainsi dans les vapes. Dans sa tête se mélangeaient des rêves confus. L'eau qui coulait cessa de se faire entendre. Des flocons tombèrent enfin du ciel et il lui sembla qu'elle pouvait entendre l'eau qui gelait, se cristallisait, se durcissait. Elle sentit un froid pénétrer son âme, puis elle entendit un hurlement au loin. Un cri de peine, de douleur. L'appel d'un loup en détresse. Encore un autre. Un autre loup est mort. Le froid hurlait dans ses oreilles. Peu importe où elle se cachait, il la suivait partout. Il la suivrait partout. Il...

—NON!

Azara se réveilla en sursaut. Devant elle se tenait la petite louve noire, un tas de feuille dans la gueule. Elle contempla l'inconnue avec de grands yeux avant de revenir à la réalité, de comprendre que ce n'était qu'un mauvais rêve, qu'elle s'était endormie. L'hiver n'était pas revenu. Tout allait bien. Son cœur toutefois cognait toujours fort dans sa poitrine, lui rappelant qu'elle était là pour cette unique raison: ramener de l'information qui pourrait aider à sauver les siens. Son attention se rapporta à Adazel. Elle eut peur de l'avoir effrayé à nouveau. Se léchant le museau, elle murmura:

—Je suis désolée. Je me suis endormie et je crois que j'ai rêvé...

Elle afficha un air piteux. Peut-être devrait-elle tout simplement partir? Cette rencontre allait-elle l'aider d'une quelconque façon?

Adazel couru vers la louve blanche. Avec ses feuilles dans la bouche, elle la regarda dormir un instant. La celle-ci avait l'air d'être dans un sommeil mouvementé. Elle n'eut le temps que de penser ceci car l'autre se réveilla d'un seul coup en criant : << NON! >>
Surprise, la petite louve noire eu un petit mouvement de recul. L'autre s'excusa :

<< Je suis désolée. Je me suis endormie et je crois que j'ai rêvé... >>

Cibelle avait vraiment l'air désolée et triste. Son visage afficha un air piteux.
Adazel se sentit un peu triste pour cette pauvre louve, elle espérait que ses cauchemars n'était pas trop fréquents. Elle se rapprocha. Un seule solution pour le savoir, demander. Elle s'assit, posa ses feuilles devant elle et dit :

<< Ça t’arrive souvent de faire des cauchemars comme ça? Peut-être que je peux t'aider tu sais. Par exemple, pour la détente pendant le sommeil, les guérisseurs conseillent souvent de mettre de la lavande à côté de soi avant de s'endormir. Bon, puisque la mauvaise saison revient, ça va être compliqué d'en trouver, mais on peut prendre d'autre plante. On peut par exemple utiliser de la valériane, de l'eschscholtzia, de la mélisse ou du houblon. Ça t'intéresse? Je peut te dire où en trouver si tu veux. >>

Elle pencha la tête sur le côté avec un air innocent en espérant aider Cibelle. Elle la dévisagea avec un regard doux et empathique.

La jeune louve noire eut l'air triste pour elle. Azara eut un petit pincement au cœur devant cette louve visiblement pleine de bonté. Aussitôt, elle lui proposa des conseils. De la lavande. De la valériane, de l'eschscholtzia, de la mélisse, du houblon. Les noms des plantes se mélangeaient dans la tête de la louve blanche, mais elle se dit aussitôt qu'elle devrait en parler à Imala, sa bonne amie au Nord, elle-même guérisseuse. Oui, les rêves revenaient souvent. Ses nuits étaient torturées par le souvenir des siens, disparus.

—Ils sont communs, oui, murmura Azara en se remettant lentement sur ses pattes. Elle s'étira, se secoua le pelage, tentant de chasser cette vilaine impression de danger qui lui collait au corps. J'ai perdu des loups importants pour moi, dans les dernières années. Ma mère, notamment. J'en fais souvent des cauchemars.

Mais elle n'en dit pas plus. Elle ne voulait pas que ses confidences, qui la soulageaient, elle devait l'admettre, la mettent dans le pétrin. Si jamais Keva avait mentionné aux membres de sa meute que les loups du Nord se mouraient à petit feu, Azadel pouvait facilement se rendre compte que quelque chose clochait dans son histoire, qu'elle n'était pas une sauvage du Nord, mais bien une louve de la meute Boréale.

La bêta dévisagea la jeune louve quelques instants. Azara ne savait pas grand chose de l'autre, mais pourtant, elle savait déjà qu'elle irait loin. Elle s'y connaissait en matière de guérison et elle avait le cœur sur la patte. Alors que son attitude lui semblait, quelques instants plus tôt, l'occasion parfaite pour lui soutirer des secrets, Azara se sentit à présent mal de mentir à cette louve innocente, pour ses propres intérêts. Elle se sentit sale, déçue, épuisée. Elle voulait seulement rentrer à la maison... seulement, pas les pattes vides.

Mais maintenant, il était trop tard. Si elle s'approchait davantage de la meute Australe, Adazel reconnaitrait son odeur. Keva aussi. Pourtant, les deux louves n'auraient pas la même personne en tête et sa couverture serait alors brisée. Si elle ne pouvait pas obtenir de secrets de la part d'Adazel, Azara n'avait d'autres choix que d'espionner ses futurs alliés de loin. Si elle soupçonnait la louve rousse d'entretenir des liens avec l'alpha du centre, Azara le verrait bien assez vite en croisant sa trace plus haut.

—Je te remercie pour tes conseils, Adazel, continua la louve blanche. Je crois qu'il serait plus prudent pour moi de continuer ma route maintenant. Peut-être que nous nous croiserons à nouveau un jour.

Azara l'espérait sincèrement. Peut-être que la louve noire trouverait étrange sa fuite soudaine. Mais Azara devait partir, son instinct lui disait. Au même moment, elle entendit un hurlement au loin, une vibration qui lui était familière. Keva. Cela suffit pour confirmer à la louve blanche son choix. Avant de quitter, elle jeta un dernier regard à la louve noire. Souhaitait-elle laisser un message à Keva?

—Salue ton alpha pour moi. Dis-lui qu'une vieille connaissance, une louve blanche du Nord, pense à elle.

Keva avait intérêt à se rappeler de se tenir sur ses gardes avec les loups nordiques. Azara se jeta ensuite dans la rivière, traversa une deuxième fois jusqu'à la rive, et revint sur ses pas pour s'éloigner un peu des terres du Sud. Mais elle continuerait son travail. Observer ses futurs alliés.

OUT

La louve blanche confia à Adazel que ses mauvais rêves étaient fréquents et qu'ils étaient dûs à des expériences traumatisantes. La petite louve eu vraiment du chagrin en entendant cela. Elle dit alors d'une petite voix douce :

<< Oh, je suis désoler d'entendre ça. >>

Il y eut un moment de silence où les deux louves se dévisageait l'une l'autre et Adazel pu observer le yeux ambrés de Cibelle, couverts d'un voile de tristesse. La louve du Nord avait vraiment l'air très affectée par ses rêves et épuisée. Une vague de douceur envahis la petite louve noire. Celle-ci avait vraiment envie d'aider celle qui était en face d'elle, mais était-il sage de se rapprocher autant d'un louve solitaire? De prendre soin de quelqu'un qui n'était pas de sa meute alors qu'une guerre se préparait?
Et était-il même déjà poli de se mêler des affaires de quelqu'un que l'on vient de rencontrer??

Cibelle finit par remercier Adazel qui lui répondit avec un grand sourire. La solitaire annonça son départ juste avant que l'Alpha de la petite louve lance un appel depuis la forêt. Juste avant de partir, la louve blanche ajouta :

<< Salue ton alpha pour moi. Dis-lui qu'une vieille connaissance, une louve blanche du Nord, pense à elle. >>

Adazel hocha la tête et l'autre louve s'en retourna traverser la rivière puis disparu dans l'autre rive, plus près des terres des Originelles. Adazel espéra que Cibelle ne les croiserai pas et qu'elle ferai bon voyage, c'est tout ce qu'elle pouvait faire de toute façon.

Adazel finit par ramasser ses quelques feuilles de menthe et par se retourner vers la forêt. La petite louve se mit à courir en prenant bien soin de ne pas abîmer les feuilles dans sa gueule. Cette nouvelle connaissance lui avait donner une petite mission qu'elle pourrai largement remplir. Mais trêve de pensée inutiles. Keva appelait, et il ne fallait pas être en retard.

OUT !