Là où les grands esprits se rencontrent [PV BELTANE]

Le fjord était sans doute l'endroit favori de Low. Il y avait une véritable atmosphère de mystère, mais aussi de réconfort qui imprégnait les lieux. Les grandes montagnes, la rivière en son centre, la forêt verte qui tournait désormais dans les orangés, la beauté du monde au centre du monde. Le jeune mâle aimait s'y retrouver et pouvait y passer des jours avant de rejoindre de nouveau sa meute.

D'ailleurs, il pouvait en profiter longuement puisque sa meute était partie en expédition vers le Nord afin de conclure une alliance avec la meute Boréale. Le but était d'acquérir les terres des Originelles. Cela ne plaisait guère au blanc. Low savait que sa meute était en danger avec la présence des humains, mais également avec la chaleur suffocante et la sécheresse de l'été. En revanche, il ne croyait pas que la solution soit d'arracher les terres au règne d'une autre meute dans le but de se sauver la peau. Pourquoi mettre en danger une autre meute pour survivre alors qu'ils pouvaient s'entraider? La guerre était une notion illogique que Low ne comprenait toujours pas. Keva, son alpha, était une jeune louve bien ambitieuse, et bien que Low tentait parfois de la résonner, il n'y avait rien à y faire. Elle souhaitait toujours se surpasser et vaincre l'ennemi.

Un soupire s'échappa de son poitrail alors qu'il pensait à la louve insouciante qu'il avait comme alpha. D'un certain côté, il la respectait bien sûr, mais cela ne l'empêchait pas d'être en désaccord avec ses valeurs. Ce n'était pas chose nouvelle. Le mâle était souvent seul à penser de cette manière. Parfois, il se demandait si rejoindre une meute avait été la meilleure chose à faire.

Lentement, Low progressait à travers les arbres du Fjord. Il savait où il allait. Plus loin, il y avait un plateau dégagé où on pouvait voir au delà du Fjord. La vue était à couper le souffle et le terrain escarpé cachait souvent des petites plantes rares, mais combien utile. Le blanc escalada un dernier flanc de montagne puis y arriva. Dès qu'il posa les pattes sur ce petit plateau, le vent froid de l'automne s'engouffra dans sa fourrure, mais Low ne frissonna pas. Il apprécia cette froideur revivifiante. Le guérisseur se rendit au bord du gouffre, ne craignant ni le vent, ni la hauteur, puis s'assit, le regard perdu dans l'horizon. Il était seul. Ou du moins, c'est ce qu'il prétendait...

Beltane stoppa progressivement le trot qu’elle avait entreprit il y avait de cela près de trois quarts d’heure déjà. Sa condition physique dans laquelle elle se trouvait n’était, disons le, pas à plaindre... Et elle en prenait d’ailleurs grand soin. D’une certaine manière, c’était là sa manière à elle de se respecter sois-même et ainsi, remercier toutes les forces, tant spirituelles que terrestres, qui lui permettaient d’être en vie et en santé. Quand bien même n’avait elle pas mangé de la journée, son repas de la veille la suffisait encore... Pour le moment. Et puis d’ailleurs, le moins elle tuait, le mieux elle se portait. Dans ce sens, elle ne tuait que ce dont elle avait réellement besoin de tuer.

Parlant de sa condition physique... Il serait par contre bien illusoire de la comparer à ces guerriers bien entraînés ou encore à ces chasseurs taillés pour la vitesse et l’endurance... Non, loin de là. Elle était seulement, ‘’ en forme ‘’.

Éveillée depuis l’aube, elle avait pour habitude de saluer la lune à son réveil, puis d’admirer sereinement le lever du soleil, chose qu’elle ne rata pas non plus ce matin là. Et ce n’était qu’après cette période de méditation qu’elle avait débuté sa course dans les sous-bois, jadis il y a 45 minutes environ, avant d’arriver à cet endroit précis.

Beltane prit un temps, histoire de laisser retomber les tumultes de son cœur encore énervé. De grandes respirations lui suffirent pour apaiser son corps en entier, puis elle fixa l’horizon, là où le ciel épousait la mer avec merveille; le monde était rempli de fertilité et d’amour... Et Beltane était heureuse et comblée au cœur de cette balance naturelle.

Elle s’était retrouvée sur un plateau surélevé, large de plusieurs dizaines de mètres. L’endroit regorgeait de puissances surprenantes. Le vent qui soufflait rigoureusement; l’eau qui s’engouffrait entre les rochers dans un vacarme lointain; Le Soleil qui réchauffait toute chose à sa portée. Beltane connaissait l’endroit, mais n’y avait jamais vraiment porté attention, et maintenant qu’elle y était, elle se dit  que l’horizon devait offrir un spectacle à couper le souffle en fin de soirées.

Ce n’est qu’après quelques instant perdu dans ses pensées qu’elle se mit à être véritablement consciente du matériel qui l’entourait... Et s’est ainsi qu’elle aperçu au loin une silhouette argentée, semblait-elle, ou peut-être blanche, en y portant un peu plus attention... La louve regretta ne pas avoir été plus alerte...

Ne quittant plus l’étranger du regard, elle se coucha au sol; non pas pour s’y cacher, mais plutôt pour se rendre un peu moins visible et bien évidemment, dégager une énergie pacifique afin de ne pas envoyer le mauvais message à l’inconnu, qui probablement se rendrait rapidement compte de sa présence nouvelle.

Le vent soufflait par rafale inconstante. Low inspira profondément tout l'air qu'il pouvait faire entrer dans ses poumons, puis il ferma les yeux, écoutant les propres battements de son coeur mélangé au poul du vent. Il resta ainsi, à n'écouter que son propre intérieur, sentant la douce chaleur du soleil le réchauffer entre deux rafales.

Au bout d'une quinzaine de minutes, le mâle était maintenant dans un état profond de méditation. Il aimait se retrouver parfois dans les profondeurs abyssales de sa conscience. Un vide, aussi creux que le gouffre devant lui, s'était créé avec le monde ambiant. Puis soudainement, quelque chose vint perturber sa tranquilité d'esprit. Une intuition. Quelque chose, ou quelqu'un l'observait. Low se dit alors qu'il aurait du être plus vigilent. Un loup, du monde extérieur à sa conscience l'épiait et planifiait sans doute aller à sa rencontre.

L'instant suivant, il ouvrit les yeux, reprenant lentement conscience de ce qui l'entourait. De la vue devant lui, du vent, de sa respiration qui venait de changer pour s'accélérer de nouveau. Le mâle se releva et se retourna pour chercher du regard ce qui l'observait en silence. Sa vue étant loin d'être fonctionnelle, il s'y remit à son odorat. Il semblait bien aperçevoir une silouhette sombre et flou, pas très loin des arbres de la forêt. Il plissa des yeux dans l'optique de mieux percevoir cette silhouette, mais sans succès.

Low enclancha finalement le pas vers ce qui lui semblait être l'une de ses congénaires. Sa démarche était neutre et zen. Il s'approcha également de manière à ne pas confronter cette louve, un peu en biais. Cette dernière était couchée et semblait dégagée une énergie plutôt pacifique. C'était rare de rencontrer un loup qui n'avait pas comme première intention la méfiance et le jugement. Low en fut surpris. Cette louve ne possédait aucune odeur qui permettait au mâle de l'identifier. Il en conclu qu'elle devait être une sauvage. Cela était plutôt logique puisqu'il était en terre neutre.

Une fois devant elle, après avoir observer en détail ce qu'il pouvait, il s'assoya. Low n'avait pas coutume de se présenter comme la plupart des loups, en parlant le langage du corps afin de montrer sa force ou sa prestance. Non. Low préférait s'assoir et laisser les choses aller par elle-même. Cela surprenait d'ailleurs la plupart des individus qu'il croisait.

Maintenant qu'il était assez près de la louve, il la perçevait un peu mieux. C'était une louve qu'il percevait comme noire, mais qui avait une tâche blanche bien visible sur son poitrail. Low avait déjà entendu des histoires à ce propos. De simple légende. D'un frère et d'une soeur. L'un étant complètement noir et étant le mal incarnée. L'autre, sa soeur, d'une douceur incroyable portait fièrement une tâche blanche au même endroit. Un signe des ancêtres. Ceux-ci l'ayant choisi pour accomplir de grande chose. La louve devant lui était d'une taille moyenne, ni trop élancée, ni trop forte. Ni trop courte, ni trop haute. En fait, elle n'était que légèrement plus petite que Low. Ce dernier était également de taille moyenne, mais il était svelte et élancé.


Un mince sourire apaisé se glissa sur ses lèvres tandis qu'il observa de ses yeux gris, ceux de la louve, ardent.

L’attention de Beltane toujours axée sur l’animal, il finit évidemment et inévitablement par se rendre compte de la présence de la femelle. Il sembla d’ailleurs se mettre visuellement à sa recherche. La louve avait bien choisi sa journée. Par la Grande Déesse Lunaire, la louve se demanda quelle avait bien pus être sa faute pour mériter un tel jeu du destin, elle qui n’était clairement pas l’animal le plus extraverti de la région. La femelle n’appréhendait pas le conflit, mais sociable comme elle était, une simple rencontre, même positive, n’était pas son activité favorite.

Le regard du mâle sembla s’être posé sur sa personne, et Beltane eu l’estomac qui soudainement se décrocha de son être. Elle détourna rapidement le regard vers ses pattes, première chose qu’elle avait sous le museau, puis elle tourna la tête vers les arbres qui la surplombaient, comme si quelque chose de très intéressant avait attiré son attention. Elle se dit qu’en se montrant inintéressée du mâle, elle aurait peut-être la même réaction de sa part.

Sans bouger d’un seul degré l’angle de sa tête, la louve roula les yeux le plus possible, jusqu’à s’en décrocher la rétine, de quoi lui donner une légère vision périphérique du mâle qui, bien évidemment, se rapprochait maintenant... Son incroyable ruse devenue donc totalement inutile, et elle fini par se retourner vers le loup en approche... En un seul mouvement, la noire se releva.

À quelques mètres de distance maintenant, les énergies entre les deux congénères semblèrent mieux s’entremêler, et la présence calme et neutre du mâle apaisa la louve, qui sembla devenir moins tendue, tout à coup. Les paroles n’eurent même pas leur place pour  échanger leurs intentions; c’est fou quand même, le 6e sens... Puis c’est le mâle qui brisa ce doux silence le premier...

« ... »

Beltane poussa un léger rire, long d’à peine deux syllabes. Un rire, doux et calme, mais rempli de pureté et de gaité.

« L’honneur de mon regard ? » Demanda-t-elle amicalement au mâle avant de poursuivre. « Vous m’en voyez flattée; il est bien rare que j’inspire l’honneur venant d’un confrère dont l’appartenance est à une meute. »

La louve marqua un court arrêt. Ce n’était pas là de l’apitoiement, bien au contraire. Le plus elle était ‘’ordinaire’’, le plus elle était certaine d’être en paix et laisser tranquille de la part des autres... Son apparence, de base, lui offrait un grand apaisement. Ni trop menaçante aux regards des conquérants, ni trop facilement manipulable. Elle n’inspirait pas la convoitise aux autres femelles et ne dégageait aucune arrogance. Elle pouvait donc ainsi se considérée comme étant en sécurité dès lors où elle se trouvait en terres neutres. Mais pour autant, rien ne valait la solitude, se dit la louve.

« Vous m’avez surprise de votre présence, je ne m’était pas préparée à une rencontre aujourd’hui. Je me prénomme Beltane, soit dit en passant  »

Beltane s’assît calmement, maintenant toutes gardes tombées.

« Votre odeur est effacée par plusieurs autres effluves d’origines naturelles... Dois-je en conclure que vous agissez en tant que guérisseurs ? »

Le rire doux et léger de la louve caressa les oreilles du mâle. N'utilisant plus la vue comme sens principale, Low avait développé une audition et un flair exceptionnel. Ces sens étant déjà très développés chez le loup en général, la grande sensibilité de Low rendait ces atouts incomparables. La noire lui dit être flattée. Pourtant, les mots qu'avaient choisis le mâle étaient réfléchit. Pour lui, l'intérêt que pouvait lui porter un de ses congénères, peu importe son intention, était tout un honneur. Cela lui prouvait qu'il avait une valeur en tant qu'être vivant. Que cette valeur soit positive ou négative aux yeux des autres, Low existait et sa présence était reconnue. Toujours souriant, il répondit rapidement.


La louve mentionna rapidement son appartenance à une meute. Low eu un sourire. C'était faux de dire qu'il appartenait à une meute. Low n'avait ni maître, ni devoir à rendre à qui que ce soit, si ce n'était que d'aider son prochain. Le jeune mâle voyait davantage en sa meute, une maison. Une famille sur qui il pouvait compter durant les temps plus durs. Un partenariat. Un échange entre ses connaissances et une garantie de survie. En dehors de cela, il n'avait ni sentiment d'appartenance, ni le sentiment de ne pas être maître de son destin. Il ne servait pas uniquement sa meute. Il servait ceux dans le besoin, sans tenir compte des limites imposées par les vieilles mentalités.

La louve se présenta enfin. Beltane. Ce nom résonna dans la conscience de Low. Il avait quelque chose de doux, de lumineux et de chaleureux dans ce nom. Comme une promesse de jour meilleur. La louve était assise face au mâle qui avait la même posture. Il était rare de voir deux étrangers s'asseoir l'un en face de l'autre. La position assise était déjà que très peu naturelle pour la plupart qui préféraient rester debout ou s'accroupir au sol. Mais en plus, les étrangers avaient l'habitude de s'approcher autrement. Il y avait une sorte de distance entre Beltane et Low. Mais il y avait également une proximité étrange et familière.


Un bourrasque de vent vint ébrouer son pelage, ainsi que celui de Beltane. Le regard gris du mâle prit une teinte bleuté lorsque le soleil rencontra son iris.

Charmée d’apprendre qu’elle n’était pas une plaie solitaire pour tout le monde, l’estomac de la dame fit à nouveau un bond. Non pas cette fois ci de crainte, mais bien de plaisir et de joie. Elle dû à ce moment s’avouer qu’à l’extérieur de son petit monde serein et paisible, le bien était encore possible. Trop souvent avait-elle entendu, par le biais des murmures du chant des oiseaux, de échos de guerres inter-meutes qui ne résonnaient que de sanglants et tristes massacres. Contrairement à certaines croyances populaires, la vie n’était pas difficile que pour les sauvages.

Mais elle fut surprise de la réponse du mâle, qui semblait sans crainte à déverser sa présence au delà des terres de son clan. Beltane avait, lorsqu’elle était jeune depuis les paroles de sa mère, apprit à se méfier de ces loups, si territoriaux qu’ils ne laissaient que des miettes et du sang des étrangers qui foulaient leurs terres... Elle en perdit presque la lueur dans son regard à l’idée de cette image qu’elle aurait préféré ne pas être capable d’imaginer. La violence et la soif du sang était une nature qui lui échappait de sens.

La louve chassa le négatif de son esprit et reprit le texte à la suite du mâle.

« Et bien... Je suis, d’abord et avant tout, la meilleure des compagnes de vie que je ne puisse avoir. » Dit la noire sur une note ironique et joviale.

Il était d’ailleurs vrai que, à partir du moment où elle était pour elle-même le meilleur des partenaires, une personne n’était plus jamais vraiment seule... Et bien que le chemin pour se rendre à cette sorte de paix intérieure n’eut pas été des plus charmant pour la louve, elle s’y plaisait bien, dorénavant, au cœur de sa petite vie monotone, remplie de routines et de recommencements incessants. Ainsi, les mauvaises surprises restaient plutôt rares, bien que Beltane savait qu’elles n’étaient que partie remise.

« Les problèmes de la vie en communauté ne m’intéressent pas. Les conflits territoriaux; les conflits internes, je préfère les éviter. » Elle marqua un temps, puis poursuivi. « Née solitaire, la vie de groupe ne me manque pas, puisqu’elle n’a jamais été présente. »

Non, la proximité de ses confrères n’était aucunement la chose la plus importante pour la louve. Elle savait bien qu’il était tout de même préférable d’apprendre à négocier avec les éléments négatifs que peut constituer la vie, mais Beltane préférait tout de même ne s’entourer que de ce qui était familier et positif... Les jours d’hiver étaient peut-être bien plus froids, mais il n’était pas pas plus facile de chasser un lièvre en groupe que seule.

La louve avait arboré un air plus sérieux sur sa dernière phrase. Elle secoua la tête et sourit à nouveau à ce Low.

« Et toi, dis moi... Comment sauras-tu quand l’un de tes congénères aura besoin de tes services, si tu ne te trouves pas à proximité de ton groupe ? »

Ce n’était non pas là un reproche, mais peut-être simplement un moyen de détourner l’attention de la conversation qui était à l’instant centrée sur elle.

La première réponse de la louve égaya Low. Il était vrai qu'être pour soi-même son meilleur compagnon de route était d'une importance primaire. Le jeune mâle lâcha un rire sincère et serain, ne s'attendant pas à cette réponse. Puis, ce dernier écouta la suite. Elle lui dit ne pas porter d'intérêt aux conflits et aux guerres inter-meutes ou intra-meute. Cette louve était née solitaire et y trouvait sa place.

Low ne pouvait pas en dire autant. Il était né dans une meute. Et bien que celle-ci lui ait mit des batons dans les roues plus souvent qu'autrement, il en appréciait la chaleur et la compagnie. Le blanc avait également connu la vie de sauvage. Il avait su l'apprécier et s'y retrouvait parfois, comme aujourd'hui, avec un immense bonheur, mais il aimait faire partie d'un tout. Malgré les conflits dont il se tenait loin. Et puis, Low aimait bien chasser en meute de gros gibiers, malades ou trop vieux, qui permettaient de se nourrir durant plusieurs jours. Ce n'était pas sa force, lui préférait les plantes, mais il appréciait toujours une belle partie de chasse pour la complicité et l'harmonie entre les membres qui en émanait.

La noire lui posa finalement une question. Et cela en était une bonne. D'une part, Low ne pouvait pas toujours être au bon endroit au bon moment. Même s'il se montrait présent sur ses terres, un incident pouvait arriver n'importe où et le blessé ne pouvait pas toujours se rendre à lui pour demander de l'aide. D'autre part, Low avait un genre de sixième sens pour ce genre de chose. Sa grande sensibilité et son intuition puissante lui laissait parfois savoir que quelque chose se passait. Bien sûr, il se trompait parfois, mais quelques fois, cet instinct lui avait permis de sauver la vie d'un membre de sa meute.

L'automne apportant son lot de problème, Low savait que les chasses devenaient plus dangereuse en raison de la saison des amours chez les cervidés. Ceux-ci étaient plus agressifs et n'hésitaient pas à se défendre. Et depuis quelques jours, les hommes se montraient de plus en plus présents sur les terres des Australes, avec en main, un genre de tube de métal. Lorsque l'humain le regardait de très près dans une drôle de position, il en émanait un bruit fort qui pouvait tuer sur le coup. Low secoua la tête afin de remettre de l'ordre dans ses idées.


Low se releva et se tourna vers le centre de la vallée qu'il aperçevait en bas du plateau sur lequel ils étaient. Il aimait bien s'asseoir à l'extrémité du plateau, là où la limite entre le ciel, la terre et le vide étaient à peine perceptible. C'était un genre de sensation forte, qu'il aimait particulièrement. En faisant référence à son choix d'être sa propre compagne de vie, Low lança sur un ton amical:


Low souria gentiment tout en posant son regard sur le paysage au loin. Il attendit la réponse de la louve avant de se mettre en marche.

Des plantes intéressantes... Beltane avait une bonne connaissance de la botanique, certes, mais elle travaillait plus fréquemment avec des herbes et des fleurs simples; plus communes; et plus faciles à trouver. Elle ne pouvait donc pas contredire les raisons du mâles de vagabonder ça-et-là sur différents territoires; sa justification était claire et faisait du sens à Beltane, qui acquiesça ses paroles d’un faible hochement de tête affirmatif... Parlant de guérisseurs, la louve ne connaissait que de simples techniques de soins, qu’elle n’avait d’ailleurs qu’apprit à temps perdu au cours des dernières années. Elle préférait de loin l’aromathérapie... Elle n’avaient donc pas besoin de plantes extravagantes et rares pour travailler, contrairement au mâle.

Le loup se releva doucement, puis se retourna pour fixer, semblait-il, l’horizon, prenant à nouveau la parole. « ... »

*Tant que vous ne m’y poussez pas* Pensa soudainement la louve, amusée, en réponse à la demande du mâle. Elle se demanda d’abord où ce dernier voulait en venir avec ses histoires de compagnies, puis elle fût tout de même surprise de sa curieuse proposition. Quelque peu survivaliste, Beltane n’était guère du genre à prendre de tels risques inutiles, d’où d’ailleurs son comportement sédentaire vis-à-vis des territoires qu’elle fréquentait. La louve rattrapa l’expression d’hésitation qu’elle faillit laisser paraître sur son visage, qui resta finalement de bonne humeur. Beltane arbora le même sourire que le mâle qui fixait l’horizon avec un étonnant bien-être, perceptible à travers l’énergie que Low dégageait.

« Avec plaisir » Dis la louve d’une note joviale, qui suivit le mâle à sa suite.

Elle perdit rapidement l’attention qu’elle portait à Low plus elle s’approchait de l’angle de la falaise, qui se dressait pratiquement à 90º sous ses pattes. Bien qu’ils n’étaient qu’à quelques mètres du bord du plateau, la louve ralentit significativement l’allure de ses enjambées. Le vent qui remontait depuis les eaux apportait l’odeur saline de la mer avec lui... Beltane mit un temps à pouvoir respirer convenablement à travers les fortes bourrasques qui s’élevaient depuis le bas.

« C’est incroyable, toute cette puissance ! J’adore ça ! » s’exclama la louve à travers le bruit presqu’assourdissant du vent qui soufflait dans les oreilles de Beltane.

La louve accepta l'offre de Low. Le sourire de celui-ci s'élargit donc avant qu'il se lève et se mettre à marcher d'un pas sûr, mais tout de même posé. Il s'approcha jusqu'à être à environ un ou deux mètres du gouffre. À cette distance, on en oubliait la mesure. Le vent soufflait de nouveau fort dans sa fourrure, apportant avec lui, des odeurs et des sons. Low porta son attention sur ce que le vent avait à lui chuchotter dans l'oreille. Car oui, il était bruyant, mais lorsque l'on apprenait à écouter, il avait tant à nous dire...

Il reporta son attention sur Beltane, qui semblait hésitante derrière à s'approcher si près. Son allure avait d'ailleurs ralenti. Tandis que le mâle s'assoya de nouveau, la louve le rejoint. Aussitôt, elle fit un commentaire sur la puissance du vent. Elle avait raison, mais il n'y avait pas que cela. Il y avait la puissance du vent, du paysage, du vide sous leurs pattes... Un monde vibrant, avec un coeur déchainé. Low adorait cette sensation. Ayant presque entièrement perdu la vue, il avait apprit à apprécier et à gérer les émotions qui lui venaient naturellement. Il avait dompté la peur.

La noire semblait apprécier tout autant cette nouvelle énergie qui la traversait. Le jeune mâle se surprit à apprécier ce moment passé en compagnie de Beltane. Il était si rare qu'il pouvait partager un moment aussi fort en énergie que celui-ci. Entre deux bourrasques, le soleil venait toujours réchauffer la fourrure des deux compagnons. Une douce chaleur réconfortant au travers ces vents capricieux. Un oiseau, sans doute un rapace, passa dans le ciel, surplombant la vallée du fjord. Low posa son regard sur cette tâche qui lui paraissait flou dans le bleu du ciel.


Low se perdit lentement dans ses pensées, avant de reposer le regard sur Beltane. Cette louve savait apprécier, tout comme lui, l'énergie de l'endroit. Il en était ravi. Il se releva pour s'approcher un peu d'elle. La force du vent l'y obligeait s'il désirait se faire entendre sans devoir hausser le ton. Une fois suffisament près, il retourna son regard vers l'horizon et s'assit de nouveau. À travers le vent et le soleil, il pouvait maintenant sentir la chaleur émaner de la fourrure de la noire, sans même lui toucher.


Cette louve, qui ne sortait pas du lot, attirait pourtant l'attention du mâle. Il était décidé à en apprendre davantage sur cette femelle intriguante.

La louve écouta attentivement le mâle. Ce dernier avait là une question plutôt intéressante. Comment se faire une idée d’une sensation qui nous échappe complètement? C’était un peu comme tenter d’expliquer une couleur à un être dépourvu de du sens de la vision, et en quelque sorte, le mystère avait quelque chose de séduisant, de complètement irrésistible. L’inconnu était loin d’être quelque chose d’effrayant; pour le moins, pas toujours. Il ne restait qu’à imaginer la sensation, et peut-être qu’après cette vie, Beltane reviendrait sur terre sous la forme d’un oiseau pour l’expérimenter. C’est ce qu’elle pensa, amusée.

Mais Beltane n’aimait pas se faire une idée quant à la théorie sur la réincarnation, image réelle qu’elle avait adoptée du cycle de la vie. Elle préférait rester dans l’incertitude, dans les simples hypothèses, car la certitude de ce qu’était la spiritualité était une science que personne ne pouvait apprendre. L’ignorance était donc de mise, inévitable et douce, à un certain niveau.

Quant à la louve, elle se dit qu’ils devaient ressentir ce que nous ressentons lorsque nous courrons à toute allure dans les sous bois... Ce que le cerf ressent lorsqu’il foule la terre des plaines en exécutant ses gigantesques sauts... Et ce que ressent le saumon qui remonte les rivières du nord. Ils doivent ressentir ce que chacune des espèces ressent lorsqu’elle est au plus haut de ses capacités. Une grande liberté ainsi qu’une grande reconnaissance envers la nature et l’évolution.

Puis le mâle posa une seconde question à première vue tout aussi intéressante. Cependant, la réponse qui l’attendait s’avérait être beaucoup plus ennuyante. Que pouvait nubien faire un loup solitaire, adepte d’un mode de vie casanier et serein. Le visage de la louve se ternit; qu’elle vie morose menait-elle.

La femelle se retourna vers le loup, l’air sérieux.

« Vous me posez là une bien bonne question qui me porte à réfléchir. Mis à part méditer (pour ne pas dire prier), me nourrir et dormir, rien ne semble animer ma vie. »

Beltane n’en était pas déçue, mais il était vrai que parfois, les journées pouvaient être longues et toutes se ressembler... Elle sourit au mâle, l’air de dire qu’il n’était pas nécessaire de s’apitoyer sur son sort.

« La monotonie me plait bien. Mais je dois l’avouer, il serait peut-être bon par moment de laisser les événements pimenter ma vie... Un peu comme cet instant. »

L'air sérieux, la louve lui répondit. Low écouta ses paroles dans un profond silence empreint de respect. Il tenta un instant de se remémorer sa vie de sauvage... Il avait pourtant un but. Son exile lui avait servit à explorer le monde et à apprendre sur les plantes qu'il voulait maîtriser. Les journées de Low, dans le temps, étaient bien remplies, à la recherche d'aventure et de plante à tester de toutes les manières possible. Il passait parfois plus d'un mois au même endroit, essayant des cataplasmes, des infusions à froid, l'ingestion directe et plus encore.

Mais Low, malgré ses occupations, se souvint également des moments plus difficile. La faim qui le tenaillait. Ou bien la crainte qu'il pouvait ressentir plus jeune face à un étranger. Les moments de solitude... Bien qu'il appréciait ces moments, ils étaient parfois plus pesant que nécessaire.

En ce qui concerne Beltane, rien ne semblait l'animer. Elle vivait simplement. Du moins, c'est ce que Low saisit de ses paroles. Elle mangeait, dormait et pouvait sans doute passer plusieurs heures, comme lui, à méditer. La louve lui confia également qu'elle appréciait tout de même sa vie, même s'il serait bénéfique d'y laisser entrer plus de moment comme celui-là.

Ces paroles émoustillèrent les oreilles de Low qui ressenti une énergie étrangère à son corps. Les paroles de la louve touchèrent Low et le boulversa quelque peu. Il y prit d'ailleurs plaisir. Beltane appréciait le moment présent et Low était heureux de partager ces sentiments. Low se demanda même si c'était sa présence qui rendait ce moment agréable pour la louve ou si c'était les nouvelles émotions vécues par celle-ci. Rapidement, le mâle chassa ces pensées intrusives de sa tête. Il enchaîna à la suite de la louve, comme pour poursuivre la conversation.


Low se rappela que l'une des raisons qui l'avait pousser à choisir la vie de meute, bien qu'il n'y respectait pas nécessairement les frontières, c'était ce besoin de partager. Partager son existence, ses idéologies, ses souvenirs, son expérience... Pour que sa vie ne soit pas complètement sans valeur lorsqu'il ira ensuite dans un autre monde. Low reporta son attention sur Beltane. Il n'avait pas entretenu une telle proximité avec une louve depuis un bon moment, ni physiquement, si ce n'est que pour soigner des blessées, ni spirituellement. Cela le réconfortait au plus profond de son être. Il se sentait bien et en harmonie avec son environnement, mais également en harmonie avec Beltane.