Par dessous - Azara

Azara venait souvent aux glaciers. C'était sa mère qui lui avait apprise à ne pas avoir peur de ce lieu inhospitalier. Elle appréciait l'étendue immense de neige, de glace, de blanc, de froid. Elle appréciait le vent qui caressait son pellage, mais qui ne la perturbait jamais complètement. Elle appréciait l'impression de vide qui courrait tout autour. Elle avait le vertige en cet endroit et elle aimait cela. Mais surtout, c'était un lieu qui regorgeait souvent de proies. La plupart des loups du Nord ne s'y aventuraient pas pour chasser. Plusieurs espèces se réfugiaient alors dans ce monde de glace, surtout de petites bêtes qui tentaient de se cacher du froid en se faufilant dans les crevasses glacées. Et Azara adorait les traquer.

Elle avait décidé de se rendre aux glaciers le matin même, après sa rencontre avec leur alpha. Elle avait besoin de se défouler une dernière fois avant de se mettre aux préparatifs de la guerre qui viendrait de façon imminente aux terres du centre. Elle avait traqué la piste de plusieurs bêtes, de petits rongeurs sans grand intérêt, avant de tomber sur la piste d'un lièvre bien juteux. Le petit animal se déplaçait rapidement toutefois, mais finit, après plusieurs minutes, par ralentir sa cadence. Azara réussit à l'attraper par les pattes arrière avant qu'il ne disparaisse dans les labyrinthes de glace. Elle lui cassa le cou d'une violente morsure avant de lâcher un petit rire, la gueule sanglante. La chasse lui procurait toujours autant de plaisir.

Azara commença à déguster son repas. Elle avait bien le droit de prendre cette proie pour elle-même, ayant ramené plusieurs carcasses aux siens dans les derniers jours. Elle n'avait jamais vraiment quitté son rôle de chasseuse, malgré son nouveau poste de bêta. Elle aimait trop l'adrénaline que lui apportait chaque traque. Elle savourait la proie encore chaude. Le sang du lièvre coulait sur les pattes blanches de la louve lorsqu'elle flaira une nouvelle odeur par-dessus la viande. Une odeur de sa meute.

Hazel.

La louve apparut peu après. Azara n'avait pas remarqué sa présence plus tôt, malgré l'étendue déserte. Provenait-elle d'une des crevasses de glace? Azara n'en fit pas de cas. Azara. Quel bon vent t'amène ? La louve était gentille, la saluant d'un ton curieux. Azara indiqua sa proie du bout du museau.

—Il n'y a rien comme les glaciers pour une bonne chasse, répondit Azara.

Elle avait remarqué que la louve s'était arrêtée à ses côtés, visiblement désireuse de sa compagnie.

—As-tu faim? Demanda la louve blanche, sans plus de cérémonie.

Elle poussa la viande vers elle, s'attaquant à une patte dont elle croqua les os dans un grand bruit.

Azara remarqua que la louve se lécha les babines en voyant la proie entre ses pattes. Elle accepta son offrande et s'installa près d'elle en la remerciant. Azara la laissa trouver une bouchée de son choix, continuant à manger de son côté une des pattes du lièvre. Je croyais être la seule à aimer cet endroit et la richesse qu'elle propose au delà de ses apparences. Azara sourit, mais resta silencieuse quelques instants. Elle n'avait jamais vraiment parlé de sa mère depuis son décès. La meute le savait, bien sûr, et elle y pensait énormément. Beaucoup avait vu la louve blanche grandir entre les pattes de la chasseuse. Ils l'avaient aussi vu dépérir, puis mourir. Et ensuite, Azara était devenue bêta et elle avait obtenu des responsabilités encore plus grandes.

—C'est ma mère qui m'a apprise à chasser ici. C'est un lieu certes dangereux, mais les proies le savent. Beaucoup viennent se réfugier ici, loin des loups. Il suffit d'être assez courageux pour faire de belles trouvailles.

Azara observa l'étendue blanche autour d'elle. Un lieu dangereux, mais il ne lui inspirait rien d'autre que la paix.

—J'aime aussi le silence, ici. La grandeur de la nature. L'étendue de vide. J'aime notre meute, mais j'aime aussi trouver des moments de solitude. Les glaciers me fascinent.

Hazel devait être comme elle. Azara eut un sourire. Elle ne s'était jamais vraiment approchée de la louve aux couleurs de crème. Pourtant, Hazel était très proche de l'ancien alpha et elles s'étaient ainsi croisées plusieurs fois parmi les hauts rangs de la meute. La pensée de leur ancien dirigeant ramena son attention vers la chasseuse. Azara lui demanda, avec douceur:

—Comment vas-tu?

Elle savait que la louve avait difficilement vécu le départ de son compagnon. Azara se lécha les pattes avec lenteur, pour y dégager le sang de la proie, attendant une confidence d'Hazel, si jamais elle avait besoin de parler.