Clémence ou sentence... [PV KAEN]

Le soleil était au plus haut dans le ciel, illuminant ainsi de ses rayons brûlants la prairie dégarnie. Une légère brise venait caresser l’herbe pour la faire se courber élégamment, faisait ressortir par la même occasion des odeurs fraîches et mentholées du sol.
Kaen marchait d’un pas tranquille, ses lourdes pattes écrasant les plantes verdoyantes ou laissant de larges traces dans les places nues de verdures. Ses oreilles étaient dressées au plus haut de son crâne alors que sa gueule était entre ouverte pour reprendre son souffle. Il s’était dépensé en courant pour arriver dans la prairie, faisant s’exercer ses muscles saillants qui roulaient sous sa peau à chaque fois qu’il plaçait une patte devant l’autre.

Une senteur particulière retint alors l’attention du mâle beige, son regard s’orientant instinctivement vers une silhouette lointaine. Plissant ses paupières dans l’optique de mieux voir, Kaen émit un léger son de gorge en inspirant sa salive. La silhouette était définitivement canine, féminine par ailleurs, et semblait se relever d’une position couchée. Il ne lui en fallut pas plus pour partir interpeler cette femelle, filant d’une impulsion de ses postérieurs qui fit se lever une légère motte de terre. En un instant le canidé à la robe brune arriva au niveau de l’inconnue, ses pas se ralentissant progressivement pour prendre une démarche plus lourde et défensive.
Maintenant qu’il pouvait constater son apparence, cette femelle ne lui disait absolument rien. Que faisait-elle sur les terres de sa meute ? Elle n’avait clairement rien à faire ici.

« - Qu’est-ce que tu fais ici ? » Interpela le loup d’un timbre fort et plutôt agressif, sa voix portant aisément dans la lande herbeuse.

Sous ses mots, il s’approcha davantage de la femelle qu’il devinait avec une fourrure d’un roux flamboyant. Son expression était dure, ses paupières à moitié closes lui donnaient un regard intense, presque méprisant tandis que sa bouche n’affichait pas l’ombre d’un sourire. Cependant une odeur familière vint à ses narines, camouflée sous la senteur ferreuse du sang séché et l’effluve  aqueuse de la boue marécageuse. L’odeur infime de l’alpha, de la meute. Et cela ne fit monter qu’une nouvelle vague de questions sans réponses dans la tête du mâle.
Cette ignorance dans laquelle Kaen se trouvait avait tendance à l’irriter, sa fourrure se gonfla donc automatiquement sous le flux de ses émotions. Cette action fit prendre plus de volume à sa carrure déjà colossale, et derrière ses hanches sa queue commença à s’agiter doucement. Ses iris orangées ne quittant pas ceux de la femelle qu’il pensait encore solitaire, il redressa sa tête et attendit sa réponse.

Kaen laissa sa queue fouetter l’air derrière lui en mouvements réguliers, presque agressifs. Cette femelle salie à la robe autrefois incandescente gardait un air soumis, ses appendices au plus bas, à presque racler le sol. Elle semblait vouloir disparaître dans le sol, comme ci elle n’avait aucune envie d’être là, face à lui. Mais le fait est qu’elle se tenait bien ici, et que le canidé n’était pas du genre à laisser couler quoi que ce soit. De plus, ce sentiment qu’il éprouvait à voir la louve s’écraser à se point devant lui était presque délectable sur le bout de sa langue. Le sentiment d’être le meilleur. Ses pupilles de jais se dilatèrent d’une manière presque imperceptible avant de reprendre leur grandeur originelle. Le corps du delta avait tendance à être particulièrement expressif, ne laissant rien cacher de ses émotions.

Finalement l’inconnue se décida à répondre à sa question initiale : "Je m'appelle Kev.. Kevy. Je me suis joins tout récemment à la meute Originelle."

Kaen souffla de mon museau bruyamment, le bout de ses fines oreilles tressaillant sous ces paroles inattendues. Il ne laissait toujours pas paraître le moindre sourire sur son visage renfermé, au contraire, une légère grimace serait presque discernable alors que ses traits semblaient s’aggraver de plus en plus. Il ne releva pourtant rien, la laissant continuer malgré son envie de lui rentrer dedans.

"En fait, je suis ici parce que je chassais les rongeurs... Je crois que vous avez fait fuir ma prise..." La femelle ne tarda pas avant de continuer en posant une interrogation : "Et puis-je me permettre de vous demandez qui vous êtes?"

Le delta laissa ses arcades sourcilières se fronçer aussi aisément que d’habitude, l’agacement courant dans ses veines au rythme de ses battements de cœur. Cette action fit naître des plis à la racine de son museau. Il laissa le poids de son corps se balancer entre ses pattes de droites puis ses pattes de gauches, sans jamais arrêter de fixer cette fameuse Kevy. Elle avait l’air d’être sincère, en passant de ses paroles à son langage corporel, tout semblait si honnête.

« - Kaen. » Offrit-il comme ci donner son prénom était l’acte le plus généreux qu’il pouvait faire. Et c’était plus ou moins le cas. Cependant un très léger tremblement de sa voix sur la fin trahissait son irritation qui se contenait en lui. « Et c’est tes rongeurs qui t’ont ouvert la gorge ? » Rétorqua donc le mâle en articulant chacune de ses paroles clairement, ponctuant ses syllabes avec une insistance qui semblait torturer les mots de la plus atroce des façons.

Il y avait plusieurs choses à retenir sur Kaen. Son sang-chaud et son impulsivité qui faisait de lui quelqu’un de particulièrement agressif. Son impatience et sa vanité qui faisait de lui un loup hautement détestable. Mais surtout son intelligence et sa vivacité d’esprit qui n’allait pas de paire avec les caractères cités précédemment et qui faisait de lui un mâle incroyablement dangereux.
La possibilité d’une attaque extérieure était possible, par des loups sauvages notamment ou encore des loups des meutes voisines, mais dans un endroit aussi centré dans le territoire ? Peu probable. Et bien même que cette femelle se soit balader proche des frontières, la chose la plus logique était de retourner au camp. Pas de prendre le soleil et chasser de petites proies. Mais l’odeur de l’alpha qui lui collait à la fourrure était un réel mystère qui n’avait pas de sens. Cela commençait à lui taper sur les nerfs sérieusement.
En quelques pas précis, l’imposant guerrier vint s’approcher encore plus de Kevy, se plaçant à quelques souffles d’elle.

« - Alors, Kevy. » Accentuant particulièrement son prénom, il marqua une pose pesante pour déglutir sa salive qui stagnait dans sa bouche. « Si tu te crois si maline, pourquoi ne pas m’accompagner voir les autres membres de la meute. L’alpha par exemple. »

Le canidé avait la voix légèrement nouée, combattant sa colère et son impatience du mieux qu’il pouvait. Il avait simplement envie de plaquer cette louve et lui ouvrir davantage sa plaie pour lui faire comprendre qui était le maître de la situation. Le vrai maître. Kaen détestait plus que tout qu’on ose croire, ne serait-ce qu’une seconde, être meilleur que lui.
Pensait-elle être plus intelligente pour essayer de le berner de la sorte ? Ou alors peut-être qu’elle pensait pouvoir s’enfuir de ses crocs avec une vitesse insoupçonnée ? Que pouvait elle bien avoir dans la tête ?