Rencontre au froid

La journée tirait lentement à sa fin, pourtant Azara était toujours aux glaciers, paresseusement étendue dans la neige folle. Rares étaient les membres de sa meute qui la suivaient dans ses expéditions au froid et c'était tant mieux: elle aimait bien être seule, à écouter le silence transporté par les vents. L'aridité de ce territoire ne lui faisait pas peur: sa mère lui avait appris très jeune qu'il s'agissait, vu le pelage blanc qu'elles partageaient toutes les deux, d'un terrain de chasse parfait pour elles. Elle avait déjà attrapé un lièvre qu'elle comptait ramener aux autres dès qu'elle trouverait le courage de se lever. La petite bête était étendue à ses pattes et une tâche de sang rouge salissait la blancheur de la neige, s'agrandissant de minutes en minutes.

Azara poussa un bâillement. Son regard parcourut de gauche à droite l'étendue de glace et de neige, avant de s'arrêter sur une forme floue, au loin. Qui était-ce?

Amos était en train de chasser, comme toujours, sur ces étendues emplies de cette belle neige toute blanche. C'était son terrain de chasse favori, car c'était celui où il se faisait le moins remarquer. Étant sauvage, il ne restait pas longtemps au même endroit, et venait à peine d'arriver dans la région. C'était une des plus belles neiges qu'il avait pu voir depuis son arrivée en ce monde. D'une blancheur sans pareille, brillant au soleil tel des millions de cristaux, et si fine. En un mot : Magnifique. Il était en train de poursuivre sa proie lorsqu'il distingua une forme de la neige, au loin. C'était du même blanc que la neige, mais... tout était flou. Il y avait une tâche rouge, ressemblant à... du sang ? Quelqu'un avait peut-être besoin d'aide, ou peut-être était-il déjà trop tard, avec le froid omniprésent, ceux qui ne sont pas habitués périssent vite, surtout si ils sont blessés... Il se posait tellement de questions, et sa curiosité et son sens de l'aide prirent le dessus sur sa faim, et s’élança donc vers cette forme, laissant son présumé déjeuner derrière lui. Il arriva à toute vitesse, avant de s'apercevoir à quelques mètres que la tâche qu'il avait vu n'était autre que le sang d'un lièvre qui venait d'être tué. Il était tenu entre les crocs d'une louve, du pelage aussi blanc que la neige. Comme lui. Depuis le départ de son ancienne meute, il n'en avait pas croisé de semblable. Cela lui faisait bizarre, il était heureux et à la fois perturbé, car cela lui rappelait son ex-meute. Pendant plusieurs secondes, il resta silencieux, le temps d'analyser la situation, puis, gêné, il baissa la tête pour cacher sa honte.

La forme floue au loin sembla alors s'avancer à toute vitesse vers elle. Azara pris sa proie dans sa gueule et se leva, tendue, de peur qu'on tentait de l'attaquer. Ses muscles bandés, elle observait attentivement la forme qui avançait, pour aussitôt remarquer que c'était nul autre qu'un loup. Cette vision l'a troubla: en fait, son pelage était aussi blanc qu'elle, mais le loup semblait un peu plus grand et costaud. Son odeur dans le vent lui indiqua qu'il s'agissait d'un mâle. Puis le loup s'arrêta subitement. Il l'observa, un regard indescriptible aux yeux, puis baissa la tête. Il avait l'air gêné.

Azara resta quelques secondes sans mot, puis laissa tomber le cadavre du lièvre au sol. Elle n'avait pas vu de loup au pelage aussi immaculé que le sien depuis le décès de sa mère, à l'hiver. L'émotion lui coinçait la gorge, mais elle arriva à la cacher. Elle secoua son pelage, où la neige s'était accumulée, et s'approcha de la bête, qui avait perdu les traces de ce qu'elle pensait être de l'agressivité un peu plus tôt. Elle croisait rarement des loups si haut au Nord. Sa curiosité l'emporta et elle demanda:

—Qui es-tu?